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En février 2021, le maire écologiste de Lyon Grégory Doucet annonce, dans le cadre de la pandémie de Covid-19, vouloir supprimer temporairement la portion de viande du repas des cantines scolaires pour permettre une préparation plus rapide des repas et limiter le brassage des élèves. Quelles que fussent ses réelles intentions, le tollé médiatique alimenté par les nombreuses récupérations politiques montre que la question alimentaire, plus qu’un choix personnel, est une composante culturelle et sociale importante. En effet, notre modèle agro-industriel français infuse l’ensemble de la société ; notre économie, notre culture et nos territoires. Il génère des savoir-faire, des infrastructures, des traditions, des paysages… et détermine notre rapport aux différentes espèces animales. Ce fait politique s’inscrit dans un contexte de questionnement des régimes alimentaires, motivé par les transformations sociétales en cours. D’abord, les enjeux environnementaux liés à l’agro-industrie sont devenus une source de préoccupation, puisque l’agriculture et l’élevage représentent 24% des émissions mondiales de CO2 et utilisent 75% des ressources en eau douce de la planète. La question sanitaire est également particulièrement sensible puisque les contacts rapprochés entre les différentes espèces, accrus par la conquête de nouveaux territoires, favorisent l’émergence, la transmission et la propagation de nouvelles maladies zoonotiques. Ce phénomène, associé à aux excès de la zootechnie (homogénéisation des races, usage abusif d’antibiotiques), fragilise grandement le patrimoine génétique. Par ailleurs, le lien entre consommation carnée et risque de développement de cancers, diabète ou troubles cardiaques est aujourd’hui qui plus est avéré. Si la viande rouge, par ses apports en protéines, est spontanément associée à un imaginaire néandertalien de virilité (largement travaillé par le marketing et la culture populaire) et considérée comme un marqueur statutaire par son prix élevé et cette symbolique de puissance, les phénomènes évoqués précédemment tendent à remettre en cause la perception sociale d’un régime carné. De plus, les révélations, depuis quelques années, de scandales alimentaires liés aux conditions délétères de l’élevage intensif contribuent à la prise de conscience de l’exploitation animale généralisée et à la diffusion du courant antispéciste. Enfin, face à ces constats et à la diminution des produits carnés, le marché des produits végétaux et ersatz de viande croît : selon l’institut d’études Xerfi, la part de marché des produits végétariens et vegans a augmenté de 24% sur la seule année 2018 en France. Des entreprises spécialisées se réorientent dans la commercialisation de “steaks végétaux”, et des investisseurs de la Silicon Valley investissent massivement dans la R&D de viande de synthèse (selon le cabinet Alim’Avenir, celle-ci a attiré 100 millions de dollars dans le monde depuis 2015).

Aujourd’hui, le véganisme, un régime alimentaire prônant un mode de vie et un projet politique qui refuse la domination des animaux par les humains, pour leur consommation alimentaire, vestimentaire et leur divertissement, concerne entre 0,5 et 2% de la population française. Si cette proportion peut sembler anecdotique, la résonance de son projet avec les préoccupations actuelles — qu'elles soient écologiques, sanitaires, politiques ou économiques — le rende probable. Depuis les années 2020, les démarches éducatives se sont multipliées pour fluidifier la transition vers une alimentation qui refuse l’exploitation animale et ses conséquences. Le mode de vie vegan, dans sa globalité, se développe et se banalise, largement incité par des mesures politico-juridiques de plus en plus contraignantes pour les filières agro-industrielles, et des enjeux financiers décisifs autour du développement d’alternatives aux produits d’origine animale. Guidée par cette vision, la société valorise désormais l’engagement antispéciste et la défense du bien-être animal, promouvant par conséquent des actions et des individus respectueux de ces principes. Une nouvelle culture est à construire, basée sur des traditions revisitées, proposant un nouveau rapport aux animaux. Le véganisme remplace les régimes carnés, et la consommation et l’usage de produits d’origine animale devient une pratique non seulement révolue, mais aussi condamnable. Le paysage “libéré” de l’élevage et de ses troupeaux s’en trouve bouleversé. Divers types de relations sont alors expérimentés ; d’une cohabitation active à un mimétisme comportemental, toutes se soldent par des dérives ou des échecs. Face à ces constats, une stricte séparation de la société et des animaux est instaurée. Un tracé territorial est alors proposé pour offrir aux espèces des milieux naturels, des Zones Sauvages Vierges de toute présence humaine. S’ensuivent des dizaines d'années de délitement des liens avec les animaux. De fait, les connaissances du monde animal s’étiolent. C’est en particulier le cas chez les jeunes générations qui ne connaissent les animaux qu’au moyen d’archives qu’on veut bien leur montrer. L’azoologisme, une méconnaissance des animaux, traduit une ignorance plus large du vivant et de l'interdépendance des espèces et des milieux. Les enfants développent une forme d’apathie envers les espèces animales, qui s’exprime par des comportements parfois violents dans les rares moments de rencontre. Ces phénomènes desservent les motivations initiales d’une société végane censée préserver les animaux de l’impact néfaste des humains.

Face aux alertes répétées des médecins et associations spécialisées, les pouvoirs publics décident d’établir des mesures pour remémorer les relations entre humains et animaux. Le Ministère de l’Ecologie, de concert avec le Ministère de l’Éducation Nationale, commande un rapport sur l’ampleur de ces phénomènes afin de mieux cerner les conséquences à long terme, lesquelles s'avèrent alarmantes. Une sous-commission à la zoopédagogie (sCZP) dépêchée en urgence, est chargée de mettre en place un programme de sensibilisation au vivant auprès des enfants. Il s’agit, plus largement, de leur inculquer le bien-fondé d’une société végane pour faire perdurer ce mode de vie.