La technologie façonne la ville depuis ses origines. La société industrielle a modelé les villes du XIXème siècle autour des cheminées d’usines. La société post-industrielle avec l’adoption de l’automobile a transformé l’échelle des villes nouvelles. Et la société de l’information et du savoir qui vient a déjà trouvé son modèle de ville : la smart city, basée sur les données et les algorithmes.
Ces transformations technologiques s’illustrent par un gain de complexité des outils et des infrastructures avec lesquelles nous vivons. Les avancés technologiques sont là, dans nos poches : des entreprises comme Uber transforment déjà la mobilité urbaine. Toutes les villes évoluent avec la technologie, toutes les villes seront des smart cities.
De nombreux projets voient le jour, croisant outils technologiques et infrastructures urbaines, comme Sidewalk Toronto de Google au Canada, ou City Brain d’Alibaba en Chine. Certains au profit de la ville, d’autres au profit d’acteurs privés, plus rarement au profit des habitants de ces villes. Plus inquiétant, les projets observés ont tendance à infantiliser leurs utilisateurs, à leur enlever une part de contrôle sur leur vie, à leur soustraire du pouvoir, quitte à le donner à des algorithmes opaques.
La prise de pouvoir des technologies dans nos vies engendre une prise de pouvoir de ceux qui conçoivent ces technologies : ingénieurs et designers. Partant de ce constat, notre responsabilité de designer est grande et nous pouvons légitimement poser la question : les données peuvent-elles apporter du pouvoir aux citoyens ?
Ce projet propose de créer un indice de cyclabilité (IDC) grâce à une nouvelle ma- nière de cartographier la ville. Un dispositif à clipper sous la selle d’une bicyclette (composé d’un traceur GPS, d’un accéléromètre, d’une lampe et d’une batterie lithium-ion) capte les données d’altitude, de positionnement, de pente et d’état de surface du terrain pendant le trajet du cycliste.
Ces données sont ensuite relayées à la municipalité qui à l’aide d’un algorithme calcule l’IDC et en matérialise la carte. La carte obtenue est filaire et tridimensionnelle, en plus de montrer le trafic cycliste en temps réel, elle informe aussi sur le nivellement, l’état de la route, la qualité de l’air, la circulation automobile et la fréquentation des pistes cyclables. A chaque information donnée correspond un calque de la carte, diffusée librement.
Adopter un rapport sensible à la ville et se balader de façon alternative est ce que le jeu propose à ses utilisateurs. Un habitant, un touriste ou une famille en visite, tous peuvent se servir de l'application afin d'explorer la ville autrement. L'usager lance l'application afin d'activer la captation continue du niveau sonore environnant, de sa position et du moment. Ces données sont partagées sur l'application afin de mettre à jour les zones de silences et de bruits qui fluctuent selon la temporalité, et les activités en ville.
L'usager peut alors choisir de rechercher le silence ou le bruit. Sur le principe d'un guidage "chaud/froid" transcrit graphiquement, l'application va aider l'utilisateur a atteindre son objectif. Il s'agit de suggérer les directions afin que l'usager soit en posture d'écoute. Néanmoins, la direction opposée à son objectif lui est signalée par la vibration de son téléphone. Lorsque la quête est terminée, l'écran s'éteint progressivement afin de laisser les usagers profiter du silence d'une place isolée, ou du bruit d'un boulevard animé.
« Dirigé par la RATP et l’Agence Régionale de Santé d’Ile-de-France, le programme « Je monte, je prélève » a été lancé en février 2017. Il demande aux voyageurs de contribuer à la collecte de bactéries dans les transports en effectuant des prélèvements qui sont récupérés par la RATP puis vendus à l’ARS. En échange de leur contribution, ils bénéficient de réductions sur leurs abonnements de transport, tandis que l’ARS se sert des données pour prévenir les épidémies et préciser les pronostics des risques d’évolution de maladies. »
« Je monte, je prélève » est un projet de design fiction qui critique la vente de données personnelles à travers la métaphore des bactéries. Comme elles, les données sont invisibles à l’œil nu, elles laissent des traces de notre identité, elles sont difficilement contrôlables et nous les transportons partout avec nous ! Nous mettons alors en scène notre projet à travers différents objets manifestes : une spatule de prélèvement, une affiche publicitaire remerciant les voyageurs pour leur contribution, ou encore une brochure commerciale pour étendre le projet à d'autres villes. Le projet est donné à voir comme déjà établit, ce qui nous permet d'ouvrir un espace de réaction et de réflexion. Nos données sont vendues, pourquoi pas nos bactéries ?
Smile-cities est une interface qui affiche de façon directe les sourires du monde entier. À partir de l'observation de différentes open-data, nous avons remarqué que celles-ci sont toujours tournées vers une potentielle amélioration de la ville, une amélioration de la qualité de vie et du bonheur des citadins. Nous avons pris le parti de renverser cette situation en mesurant les apparitions directes du bonheur : le sourire. Nous en avons extraits à partir des publications Instagram géolocalisées dans plusieurs villes du monde : Moscou, Paris, Libreville, Beijing, New-York et Rio de Janeiro.
À l'aide d'un programme de reconnaissance faciale (proposé par Amazon), Smile-cities extrait la présence ou non-présence d'un sourire ainsi que son intensité. Ils sont ensuite placés en temps réel sur une carte qui permet d'évaluer par ville la quantité et la fréquence des sourires partagés. Cette visualisation nous permet de dégager les zones mondiales les plus souriantes grâce à cet outil subjectif. À travers ce projet nous avons pu constater l'étendue des capacités des outils de traitements des données disponibles de manière publique.